MODE, ART ET FEMME DANS LES ANNÉES FOLLES
Pendant les Années Folles en France, l’art et la mode se sont fusionnés dans un frénésie créative. La femme a acquis une importance remarquable, devenant muse et inspiration pour des figures avant-gardistes telles que Sonia Delaunay et Elsa Schiaparelli. Toutes deux ont créé des œuvres innovantes qui ont transcendé les limites de ces disciplines et ont laissé un héritage durable dans l’histoire.
GRAVURE DU MAGAZINE VOGUE PAR GEORGES LEPAPE (1922)
L’image suivante est une gravure réalisée par Georges Lepape le 1er avril 1922. Il s'agit d'une œuvre Art Déco qui constitue la couverture du magazine Vogue qui se trouve actuellement au Musée des Arts Décoratifs de Paris. Georges Lepape (1887-1971) est un innovateur dessinateur de mode et illustrateur audace. Les Annés Folles a mis en évidence des courants tels que l’Art Déco, qui a beaucoup influencé la mode et les magazines comme Vogue, très célèbre à l’époque. L’Art Déco met en avant la thématique bourgeoise, avec des hommes vigoureux et des femmes stylisées ; la géométrie et le glamour. Ces caractéristiques sont présentes dans l’image: des couleurs neutres et froides et des figures placées de manière ordonnée au centre en portant des vêtements élégants et de grandes dimensions. En ce qui concerne l’espace, la perspective conique est utilisée. Au premier plan se trouve la femme, entourée par son grand manteau blanc et sa robe brillante, contrastant ainsi avec les tons sombres de l’homme et du fond, qui se trouvent en arrière-plan. En regardant cette image, on voit l’homme à la merci de sa dame en tenant son manteau. Ce geste courtois, ainsi que les caractéristiques précédents, nous amène à interpréter le rôle de la femme et la mode féminine. Cette couverture représente une époque où les femmes ont fait un pas en avant aussi dans le monde de la mode où la femme brise l´oppression en portant une élégante robe ample et confortable, au lieu de vêtements serres comme le corset qui était tendance avant.
BOUTIQUE SIMULTANÉ
Sur la photo que nous avons ici, il y a la
“Boutique Simultané” qui se trouve sur le célèbre Pont
Alexandre III à Paris. C’est en 1925 que s’est tenue
l’importante “Exposition internationale des arts décoratifs et
industriels modernes”. Cette exposition avait pour objectif de
présenter au monde les innovations et les progrès artistiques de la
marque.
La “Boutique Simultané” est considérée comme un précurseur de la “Casa Sonia”, qui était un atelier de création situé à Madrid en 1921. C’était un lieu où Sonia Delaunay (1885-1979), artiste française qui a marqué l'art moderne avec son utilisation audacieuse de la couleur et de la géométrie, influençant la peinture, le design textile et la mode du XXe siècle, a pu exprimer sa vision artistique unique.
Cette boutique était conçue dans un style
similaire à celui des grands couturiers de l’époque, tels que
Paul Poiret. Cependant, les robes de Sonia Delaunay, avec leurs
motifs géométriques et leur esthétique audacieuse, ont captivé
l’attention du public bien plus que d’autres. En collaboration
avec Coco Chanel, Sonia Delaunay a joué un rôle clé dans
l’élimination du corset de la mode féminine, libérant ainsi les
femmes d’un symbole longtemps considéré comme oppressif.
Dans cette boutique, on pouvait admirer une large gamme de ses œuvres, qui incarnaient l’esprit d’une nouvelle ère: celui d’une femme moderne, indépendante et émancipée, en parfaite harmonie avec les tendances avant-gardistes de l’époque.
ROBES SIMULTANÉES
La prochaine image représente une peinture à l'huile intitulée "Robes Simultanées", réalisée en 1925 par la peintre et créatrice Sonia Delaunay (1885-1979) et exposée dans sa boutique simultanée à Madrid. La peinture a été recréée dans la vie réelle, comme on peut le voir dans une seconde image ci-jointe, où trois femmes, dont la célèbre actrice Gloria Swanson, ont porté les trois robes avec le même design et dans la même position stratégique.
L'œuvre fait partie de l'effervescence artistique des "Années
Folles", plus précisément du mouvement créé par Sonia
Delaunay et son mari Robert, appelé Orphisme, qui était une
variante du cubisme avec un accent particulier sur la couleur et
l'abstraction. Au premier plan, nous voyons trois femmes portant leurs robes respectives avec des motifs
différents dans une posture droite. La composition de l'œuvre est soigneusement conçue pour créer une
sensation de mouvement et de dynamisme. Les formes géométriques abstraites, telles que des cercles
concentriques, des lignes diagonales et des formes triangulaires,
pour organiser l'espace de la peinture et générer un effet visuel
dynamique et énergique, avec une sensation de perspective. Elle
utilise aussi une palette de couleurs vibrantes et saturées qui
contrastent entre elles pour créer un impact visuel puissant.
Le point focal de l'attention réside dans le vêtement féminin en question,
et non dans la personne exacte qui le porte, comme si la femme était une identité. Nous pouvons voir les
mannequins représentés sous forme de silhouette, dépourvus de
visage.
La figure de la femme est mise en avant comme élément central de
l'œuvre, tout comme l'importance de la mode et sa relation avec les
tendances artistiques de l'époque. Le fait que ce soit une nouvelle
tendance artistique, comme l'Orphisme, nous donne une impression de
rupture avec les thèmes précédents, avec la tradition et avec
l'ordinaire. Cela offre à la femme une nouvelle sensation de
modernité, de rupture sociale et d'optimisme par rapport à la
longue tradition oppressante de la femme.
CHAUSSURES DE SALÓN
Ces chaussures, connues sous le nom de "court shoes" ou “chaussures de salon”,ont été conçues par Sonia Delaunay en 1925. Delaunay avait deux obstacles à surmonter, elle était une femme et le type d'art qu'elle pratiquait défiait son genre et les critiques, car elle travaillait en tant qu'artiste femme à une époque où les femmes étaient moins reconnues. Les chaussures ont été photographiées sur le Boulevard Malesherbes à Paris par Germaine Krull, une photographe et une figure importante de la photographie moderne du XXe siècle connue pour ses expérimentations avec les techniques photographiques et son approche novatrice.
Maintenant les chaussures sont la courtoisie des Arts Décoratifs, Musée de la mode et du textile de Paris. Il sont fabriquées en soie et brodées dans des tons bleu foncé, bleu clair et vert, et comportent également des bandes de cuir argenté brillant attachées avec une boucle sur le côté de la chaussure. Elles sont également équipées d'un talon moyen et large, typique de ceux portés par les femmes de l'époque car il était considéré comme un symbole d'élégance. Grâce à leur conception colorée et géométrique, nous pouvons voir qu'elles appartiennent au simultanéisme, créé par Sonia Delaunay et son mari, qui consiste à utiliser la couleur comme moyen de créer de l'espace et des formes dans un tableau, ce qu'elle transposait ensuite dans ses designs.
SIMULTANEOUS
Dans la première photographie, prise sur la plage de Carnac en 1928, on voit Sonia Delaunay et Sophie Taeuber-Arp, une peintre
et designer suisse très renommée, portant les maillots de bain de la collection
"Simultaneous", créée par Sonia Delaunay elle-même. Leur rapport est relevant, deux artistes éminentes du XXe siècle qui ont partagé une
association direct à travers leur participation à des cercles
artistiques avant-gardistes tels que le mouvement Dada et leur
exploration de l'abstraction géométrique et du design textile. Sophie Taeuber-Arp et Sonia Delaunay ont partagé une amitié
professionnelle, mettant l'accent sur la sensibilisation des femmes
dans le monde de l'art et les courants du moment.
D'autre part, le but de l'autre image est de montrer l'ensemble de plage de la marque ;
composé d'un sac, d'un parasol et des maillots de bain qu'elles portent. Le design est rayé,
fait d'un tissu fin en coton de couleur noire et de différentes nuances de jaune. Il est
nécessaire de souligner l'utilisation de couleurs vibrantes et accrocheuses en raison de
l'impact de la Première Guerre mondiale. En ce qui concerne l'interprétation de l'image, les
deux femmes sourient à l'appareil photo, montrant ainsi un sentiment de désinvolture et de
liberté, caractéristique des Années Folles.Schiaparelli, avec son approche innovante et son audace créative,
incarnait cet esprit d'optimisme en défiant les conventions de la
mode établies et en introduisant des designs avant-gardistes et
audacieux.
CROQUIS REALISÉ PAR SALVADOR DALÍ (1936)
Le croquis suivant, réalisé en 1936 par l'artiste surréaliste Salvador Dalí (1904-1989), a été expressément envoyé par ce dernier à la créatrice Elsa Schiaparelli (1890-1973) comme source d'inspiration pour la création de sa série de costumes et manteaux avec des poches tiroirs qu'elle a présentée dans sa collection haute couture de l'hiver 1936-1937. Cette collaboration a été immortalisée dans une série de photographies de nature surréaliste prises par le photographe Cecil Beaton et publiées dans le prestigieux magazine Vogue. Dans le croquis réalisé au graphite sur papier, nous pouvons voir une silhouette humaine dans une position affaissée avec un costume long et ajusté d'où émanent des sortes de tiroirs avec des poignées, rappelant un bureau, d'où le nom du vêtement. Nous pouvons observer l'utilisation de la technique visuelle innovante, le trompe-l'œil, employée par les artistes surréalistes pour générer un effet de profondeur et de relief sur une surface plane. Dans ce cas l´illusion de tiroirs de bureau en volume grâce au contraste des couleurs.
Cette collection plonge dans le monde du surréalisme, conférant à un vêtement quotidien une touche extraordinaire et hors du commun. C'est aussi une parfaite symbiose entre l'art et la mode dans le cadre de la rupture et de la provocation propre aux Années Folles. Il a constitué la première des nombreuses collaborations que Dalí et Schiaparelli réaliseraient ensemble, le début d'une amitié artistique qui donnerait à la créatrice un grand respect dans le milieu surréaliste et de la haute couture en général. Nous pouvons la considérer comme l'une des pionnières dans le monde de la mode moderne ; elle démontre non seulement l'impact de la femme mais aussi la valeur artistique de la mode, une discipline qui offre beaucoup de possibilités pour la créativité.
ROBE LANGOUSTE
Dans l'image suivante, nous pouvons admirer la Robe Langouste (1937), fruit de la
collaboration entre le peintre surréaliste Salvador Dalí (1904-1989) et la créatrice italienne
Elsa Schiaparelli (1890-1973), qui faisait partie de sa collection été/automne 1937 à Paris.
Cette robe a une histoire particulière, car elle a fait partie de la tenue de mariage de la
duchesse de Windsor, femme qui a incité le roi Édouard VIII à abdiquer le trône anglais. Le
photographe Cecil Beaton a capturé ces moments qui ont été immortalisés dans 8
photographies de la duchesse portant cette robe dans le prestigieux magazine Vogue.
Ce vêtement est une parfaite symbiose entre tradition et avant-garde ; une robe simple
sans manches, à encolure ronde, confectionnée en soie blanche fusionnée avec un croquis
d'une langouste couleur cramoisie peinte directement sur le tissu par Dalí et quelques brins
de persil à l'ourlet. La robe a défié les normes et les conventions du monde de la haute
couture, non seulement par ce mélange de styles, mais aussi par la connotation de la
langouste dans l'œuvre de Dalí en tant qu'élément de sensualité et d'émancipation féminine.
Elle porte également un dilemme caché, le choix de l'amour par rapport aux attentes
sociales (le mariage controversé d'Édouard VIII). Un choix très audacieux pour l'époque qui
tourne autour de cette aussi audacieuse robe.
LA ROBE LARMES
"La Robe Larmes" est une création de Schiaparelli inspirée par le tableau de Dalí
"Necrophiliac Springtime" (1936), où apparaît le cadavre d'une femme avec la tête couverte
de roses, en portant une robe de chambre aux manches longues déchirées.
Le vêtement a été créé pour la collection Circus de l'été de Schiaparelli et Dalí en 1938,
contenant des éléments surréalistes et est considéré comme l'un de ses designs les plus
célèbres. C'est une robe longue, de style tube, sans manches, ajustée à la taille, avec deux
queues pointues dans le dos et un décolleté bateau. Il se ferme avec une fermeture éclair en
plastique blanc, qui était un matériau nouveau dans la mode de l'époque. Fabriqué en
viscose et en marocain mélangé à de la soie. Son motif est une sorte de larme de couleur
rose, magenta et noir peintes sur la robe et de vraies larmes doublées de tissu rose et
magenta sur le voile. Nous pouvons observer
l'utilisation de la technique visuelle innovante, le trompe-l'œil,
employée pour générer un effet
de profondeur et de focalization sur une element dans une surface plane. Dans ce cas, bien
qu'il s'agisse d'un vêtement plat, grâce au contraste des couleurs,
nous pouvons percevoir cette illusion de relief et de textures.
Cette pièce peut être interprétée comme une
représentation artistique des émotions de deuil et de rupture. Il est célèbre pour son design surréaliste, comportant une impression de déchirure et des faux plis qui donnent l'illusion de larmes sur le tissu. Il a été donné au Victoria & Albert Museum par Ruth Ford à qui Edward James, mécène de
Dalí, l'avait originellement offert. La possession de la robe par Ford témoigne de la manière
dont Schiaparelli démontre son importance sociale dans ce domaine, comparable aux
artistes de renom avec lesquels elle a collaboré : Dalí lui-même ou Picasso. L'émergence
d'une figure féminine dans ce secteur, promouvant le concept de la femme indépendante,
libre et créative, est cruciale dans le contexte de la longue tradition d'oppression sexiste.
LES GANTS DE PICASSO
Nous pouvons observer deux images étroitement liées entre elles. La première est une
photographie prise par Man Ray en 1935 où l'on peut voir des mains peintes en noir et blanc
par Picasso lui-même. Cela a été une source d'inspiration pour la créatrice de mode
italienne Elsa Schiaparelli (1890-1973) pour sa recréation sous le nom de "Les Gants de
Picasso" (1936) qui on peut observer dans la seconde photographie. Cela faisait partie de
sa collection d'hiver 1936-1937, et même aujourd'hui, le Philadelphia Museum of Art est fier
de conserver une paire de ces précieuses pièces.
Malgré l'influence du mouvement futuriste italien sur la créatrice et du cubisme pour lequel
Picasso est reconnu, la création en question est intimement liée au courant surréaliste,
pratiqué par les deux artistes à cette étape de leur carrière artistique; la transformation du
quotidien en quelque chose d'extraordinaire. Nous pouvons observer l'utilisation de la technique visuelle
innovante, le trompe-l'œil, employée par les deux artistes pour générer un effet de profondeur sur
une surface presque plane. Dans ce cas, grâce au contraste des couleurs, nous pouvons percevoir cette
illusion de relief et de textures. La pièce elle-même est vraiment novatrice par
rapport à l'esthétique conventionnelle: la silhouette de gants noirs en tricot cousus à la main
avec des pièces de cuir d'un rouge vif rappelant des ongles peints. L'anatomie humaine
devient objet d'art, et la mode se fusionne avec la créativité visuelle. Nous pouvons
également associer la présence d'un supposé vernis comme un symbole de féminité,
abordant à nouveau le concept révolutionnaire de la femme dans la mode et le monde de
l'art.
Iria Vázquez Hermo, Lucía Novas Carballido e Laura García Rodríguez
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